Rabbin David Raphaël Banon
Membre du Tribunal Rabbinique de Montréal
Rabbin de la Communauté Séfarade de Laval
Le 14 Nissan, il faut avoir supprimé dès avant le milieu de la journée tout le hamets que l’on possède. Quand il s’agit d’une grande quantité de hamets, on commence à le consommer bien avant la fête de manière à n’en laisser qu’un peu avant Pessa’h, juste de quoi accomplir la mitsva de brûler le hamets.
Autrefois, il arrivait que l’on ne pût planifier avec précision sa consommation de hamets, si bien qu’il en restait une importante quantité avant Pessa’h. C’était le cas notamment des commerçants de nourriture qui, alors, n’avaient d’autre choix que de vendre leurs réserves à un non-juif pour éviter une perte financière. Mais au fil du temps, les Rabbins ont relevé certaines irrégularités dans ce type de vente, irrégularités qui conduisaient à de graves problèmes d’ordre légal. En effet, le hamets se trouvait encore sous la possession du Juif qui, dès lors, transgressait à chaque instant la défense de la Torah : « Qu’on ne voie … ni ne trouve … » Et même après Pessa’h, il était interdit de profiter de ce hamets et il fallait le détruire entièrement. Pour toutes ces raisons, les Rabbins d’Israël se sont employés à réaliser eux-mêmes la vente du Hamets.
Il convient de noter que certains Rabbins se sont opposés à la vente du hamets, qu’ils jugeaient fictive et qualifiaient de stratagème (ruse), car il était évident qu’après Pessa’h le hamets retournerait à son propriétaire Juif.
Néanmoins, la plupart des décisionnaires autorisent le recours à la vente du hamets. À leurs yeux, une telle vente est parfaitement légale et formelle puisque le non-juif peut, s’il le souhaite, conserver le hamets sans avoir à le revendre au Juif. Il s’ensuit que la vente est absolue, et dépourvue de tout artifice. On s’applique d’ailleurs à l’effectuer par le biais de tous les modes acquisitifs réunis, afin de bien souligner que la vente est réelle à tous points de vue. En outre, elle se déroule en conformité avec la loi du pays (Michna Beroura, ch. 445 17:19).
Pour ce qui concerne le paiement, le non-juif verse un acompte (à-valoir) comme il est de coutume chez les commerçants, et le solde est exigible au même titre que n’importe quelle créance. À l’issue de la fête, le non-juif peut au choix conserver le hamets — il acquitte alors le solde — ou revendre le hamets au Juif. Dans la seconde éventualité, ce dernier lui restitue l’acompte, et la dette (antérieure à Pessa’h) est remise. Pour donner plus de poids à la vente, il a été décidé que le Juif devrait louer au non-juif la surface sur laquelle repose le hamets (Michna Beroura ch. 448).
D’après la loi, l’homme est autorisé dans tous les cas à vendre son hamets à un non-juif par l’entremise du Rabbinat ou d’un Rabbin compétent dans ce domaine de la loi. Par le biais de cette vente formelle, le Juif est quitte de toute infraction liée au hamets.
Aujourd’hui, l’usage est d’encourager tout le monde à procéder à la vente du hamets, d’autant que certains produits alimentaires et médicaments dotés de saveur sont parfois mêlés d’ingrédients hamets. Le doute à lui seul ne justifie pas de les détruire, et c’est pourquoi il est judicieux de les vendre pour régler le problème.
Quant au hamets réel, on évite de le vendre quand il n’a que peu de valeur, mais on s’en débarrasse. Si toutefois l’on craint qu’un Juif ne le garde en sa possession, on lui conseille de le vendre par l’entremise du Rabbin. En la matière, il convient de s’en remettre entièrement aux Rabbins responsables de la vente, qui sans le moindre doute la réalisent dans le respect de la loi la plus stricte.
Le hamets vendu doit être mis en lieu sûr pour éviter tout risque de consommation accidentelle, et il est bon d’inscrire dessus : Hamets vendu.
De préférence, il y a lieu d’indiquer dans la procuration (que signent les vendeurs et remettent) au Rabbin tous les types de hamets vendus ainsi que leur prix. Dans la pratique, il est parfois difficile de noter ces renseignements, et l’on se contente souvent d’écrire simplement que tout le hamets qui nous appartient est visé par la vente.
S’il n’est pas possible de se rendre en personne chez le Rabbin pour signer l’acte de vente, on peut charger un tiers (mandataire) de le signer en son nom. Il est même possible de vendre le hamets au téléphone ou par télécopieur, ou même en ligne (Peniné Halakha ch.6).
Il n’est pas nécessaire de vendre les particules de nourriture absorbées par les parois des ustensiles (Maguen Avraham ch. 651). Si l’on a inclus les ustensiles dans la vente, il sera nécessaire de les tremper au Mikvé sans bénédiction, qu’il s’agît de récipients en métal ou en verre (Yabia Omer IV ch. 35). Quant aux ustensiles qui contiennent des particules de hamets visibles à l’œil nu et difficiles à nettoyer, il faut les vendre à un non-juif.
La vente doit prendre effet avant l’entrée en vigueur de l’interdit de jouissance du hamets. Pour le visiteur qui séjourne en Erets Israël, il doit a priori vendre son hamets entreposé à l’étranger en accord avec les horaires de son lieu de séjour, soit Erets Israël. Les récents décisionnaires sont partagés sur la question de savoir s’il faut se fier au lieu d’entreposage du hamets ou au lieu de séjour du propriétaire du hamets. La majorité estime qu’il faut privilégier le lieu de séjour du propriétaire. Si les membres de sa famille sont restés à l’étranger, il leur cède formellement la propriété de tout son hamets et ils le vendent à un non-juif conformément aux horaires de leur région (Responsa Min’hat Yossef ch. 25). Un Israélien qui séjourne à l’étranger doit avancer la vente pour la réaliser avant l’entrée en vigueur de l’interdiction en Erets Israël, afin de respecter également l’opinion des Rabbins qui rattachent la vente au lieu d’entreposage du hamets. Après la fête de Pessa’h, il est bon d’attendre un peu, le temps que le Rabbin puisse racheter le hamets au goï. Celui qui, après Pessa’h, achète de la nourriture dans le magasin d’un Juif, doit s’assurer que le vendeur a bien vendu son hamets conformément à la loi.